Le vieux fax déglingué cliquette et craque un moment, puis crache poussivement sa feuille de papier recyclé. Le toner est presque vide, et le message à peine lisible. Plus de budget pour les fournitures, vous comprenez.
Des six représentants des forces de l'ordre encore présents dans le petit commissariat miteux, seul le commissaire Victor Tim se lève avec un gros soupir pour aller chercher le message qui pend de la machine. Il l'attrape juste avant que le papier ne tombe dans la corbeille déjà pleine à déborder.
Ce brave vieux Vic. Techniquement, il n'est plus commissaire depuis plusieurs mois. Départ à la retraite anticipé, imposé par la mairie dans le cadre d'un plan de réduction d'effectifs. Mais Vic aime son métier et il aime sa ville, alors voilà: il vient aider à traiter les affaires les plus graves, sur son temps libre, sans rémunération. C'est Vic, il est comme ça. Ce n'est pas très légal, mais il faut bien que quelqu'un fasse le travail. Et puis, ne plus être assermenté lui laisse les coudées franches pour faire les choses à sa manière.
Il faut dire qu'avec tous les flics qui ont été amenés à quitter leur poste ces derniers temps, ce n'est sans doute pas vous cinq que Vic aurait choisi de garder. Mais les flics compétents, ça prend du galon, et la paie est en conséquence. Le maire n'aime pas trop les dépenses publiques, comme l'a abondamment rappelé sa tonitruante campagne électorale de l'an dernier. La police était jusqu'ici plutôt épargnée, et puis Vic a commencé à mettre son nez dans les affaires de certains élus. Une histoire de malversation dont vous n'avez jamais eu le fin mot. Le plan de réduction des effectifs est survenu dans la semaine.
Et il ne reste donc que vous cinq, à peine diplômés et inexpérimentés, ou usés par la vie et alcooliques, chevaliers blancs déchus et désabusés ou à l'honnêteté en berne. Vous cinq, plus Vic.
Vic lit le fax, le visage fermé, les lèvres serrées en une ligne sévère. Puis il le roule en boule et l'expédie rageusement dans la corbeille, qui bascule et renverse son contenu.
"C'est quoi, ce coup-ci?" demande SpiralPad.
"Réquisition. Le maire organise une réception dans sa villa, pour présenter aux journalistes le bilan de sa politique budgétaire. Foie gras, petits fours, faux en écriture comptable, tu vois le genre. Devinez qui va faire le service d'ordre aux frais du contribuable. J'espère que vous n'aviez rien prévu samedi."
Remouk grogne, une main posée en travers du visage. "Tous les cinq? Ma petite a son récital de danse." Vic hoche la tête sans regarder Remouk en face.
"Personne pour assurer la permanence?" demande RogerLamer. "Et si quelqu'un a une urgence?"
Le commissaire hausse les épaules. "Ce n'est pas le problème de la municipalité, apparemment. Laisse-moi les clefs vendredi, je m'en chargerai."
"C'est pas à toi de le faire," dit Lord of the Flies. "Qu'on laisse la porte fermée. Que les électeurs voient les conséquences de leurs choix, un peu."
"Je n'ai pas fait ce métier pour laisser un citoyen devant un commissariat fermé, Lord." Vic lève la main et la laisse retomber en un geste désabusé. "Ah, les politiciens, qu'ils aillent tous se faire foutre. Appelez-moi s'il y a un truc. Bonne soirée." Et il sort du commissariat d'un pas lourd.
L'ambiance est pesante tout le reste de la journée. Ce n'est pas le boulot qui manque, surtout à seulement cinq. La tolérance zéro voulue par le préfet, en pratique, c'est surtout des monceaux de prunes pour des pauvres diables qui veulent juste rentrer du bureau. Et ça fait une de ces paperasses...
Quand le vieux téléphone gris sonne un peu après six heures, tout le monde se regarde. C'est la ligne privée que Vic a mise en place peu avant d'être viré, pour les indics et les affaires sensibles. Elle n'avait pas eu le temps de servir. Gladeulfheura se lève et va décrocher. Il fronce les sourcils, puis annonce, "C'est Vic," et met le haut-parleur.
"Les jeunes? J'ai du nouveau. C'est du chaud. Retrouvez-moi dans quatre heures, sur la zone commerciale. Venez en civil." Et il raccroche, vous laissant échanger des regards dans un silence pesant.
La zone commerciale à la nuit tombante, c'est glauque dans n'importe quelle ville, avec ces îlots de lumière jaunâtre au pied des lampadaires à sodium et cette obscurité poisseuse tout autour. Dans la votre, il faut aussi naviguer entre les tas de détritus et les caddies abandonnés.
Vic est là, adossé derrière le hangar de l'animalerie, en train de griller une clope. Il y a une demi-douzaine de mégots à ses pieds. Quand vous arrivez, il vous dévisage tour à tour dans la pénombre. Le bout de sa cigarette luit faiblement.
Il attaque sans préambule. "Vous vous rappelez l'affaire Siviansky, juste avant qu'ils me débarquent? Le politicard véreux, les liens avec la pègre? Le dossier en béton qu'on a bâti, et puis toutes les preuves envolées du jour au lendemain, dans un placard dont nous seuls avions la clef?"
On entendrait une mouche tousser.
Vic balance sa clope, pas terminée. "J'ai eu un appel d'un de mes contacts dans le milieu. Un mec qui m'en devait une. Il m'a balancé du lourd. Apparemment, un de ses potes s'est vanté d'avoir réussi à retourner un de mes hommes. Un de mes flics, oui, qui bosserait maintenant pour la Mafia."
Vous émettez tous un grognement ou un soupir. Cette fois, ça y est. Vic a viré parano. "C'est trop gros, Vic. Ton pote s'est fichu de toi."
Le commissaire secoue la tête lentement. "Ça explique tout. Les preuves qui disparaissent. Les nuits de planque où les mecs ne se pointent jamais. Tu parles! Ils devaient bien se foutre de nous." De nouveau, il vous regarde un par un. "Mais ça, c'est fini. Ça se termine ce soir. Je ne sais pas lequel d'entre vous nous a vendus. Mais je vais le découvrir. J'ai un indic qui arrive. Il sait à quoi le traître ressemble. La partie est finie."
Le silence qui suit est de plomb. Ce n'est pas possible. Vic a grillé un fusible. Un flic devenu mafioso? Non. Non, non, non.
Le coup de feu déchire le silence et tout le monde sursaute. Vic, adossé contre le mur en tôle de l'animalerie, glisse doucement au sol. Quelqu'un, l'un d'entre vous, a profité de la confusion pour balancer son arme par terre au milieu du groupe, et elle tourne sur elle-même un moment, le canon toujours fumant.
L'indic de Vic ne viendra jamais. Il n'y a pas d'indic. Mais le dernier coup de bluff de Vic a forcé la main du traître, et plus aucun d'entre vous ne doute maintenant de la vérité. Il y a un mafioso parmi vous cinq. Et c'est à vous de le débusquer.
Ci-gît feu le commissaire Vic Tim. C'était un type bien.
Bienvenue dans Dethy Mafia.Règles et rôles.La Nuit 0 commence maintenant. Les Flics ont jusqu'à Mardi soir pour m'envoyer par PM la cible de leur investigation. Le Mafioso ne peut pas agir cette nuit -- il a déjà tué!
Bonne chance à tous.
Joueurs:
- SpiralPad
- remouk
- RogerLamer
- Lord of the Flies
- Gladeulfheura