Comme promis,
Feedback interne sur l'école 4242. Pour les gens cultivés, c'est évidemment la Réponse à la vie, l'univers et le reste. Pour les autres, c'est une injonction à aller lire le Guide du Voyageur Galactique, de Douglas Adams. Et plus vite que ça.
C'est aussi, dans une moindre mesure, la réponse à une problématique plus terre à terre, du moins selon Xavier Niel, le patron de Free :
L'inadéquation entre les besoins des entreprises dans le secteur informatique et les formations qui sont actuellement proposées dans ce domaine.
(je ne me prononcerai pas sur l'existence de ce problème, pour moi la vérité se situe comme souvent dans un entre-deux quelconque difficilement quantifiable)
Révolution ou fumisterie ? Le bilan est le même que pour la physique quantique, mitigé.
Créée en 2013 par Xavier Niel donc, avec un capital de base de 50 millions d'euros sortis de sa poche, l'école 42 est techniquement un "établissement privé d'enseignement technique supérieur". C'est une association loi 1901, qui ouvre le droit à la sécurité sociale étudiante mais pas aux bourses.
En tant que telle, elle est à même de délivrer une certification, n'ayant cependant -pour le moment- aucune valeur auprès de l'état.
Elle se donne comme objectif de former un peu moins d'un millier de jeunes par promotion aux métiers de l'informatique.
De jeunes, parce qu'il faut avoir entre 18 et 30 ans pour y accéder (ou avoir le bac si mineur). C'est la seule restriction externe imposée, aucun diplôme n'est requis.
Tout d'abord, NON, 42 n'est pas aussi révolutionnaire que ses acteurs aiment le laisser croire.
La plupart des procédés pédagogiques utilisés dans l'école viennent d'une autre école, Epitech (elle même dérivée d'EPITA), et notamment :
- le découpage du cursus en projets
- le peer-learning
- les piscines, ces fameuses sessions de code non-stop qui durent de deux semaines à un mois
Ce dernier concept est d'ailleurs le seul 'vrai' test utilisé pour sélectionner les étudiants : après quelques tests préliminaires sur Internet, le candidat est invité à aller passer un mois (3 sessions par an en juillet, août et septembre, pour l'instant) dans sa première piscine, où il est courant de passer une moyenne de 13 heures par jour à trimer sur des exercices à rendre, ayant principalement pour support le langage C et les systèmes UNIX (Linux/Mac).
A la suite de cette épreuve durant laquelle le staff va utiliser tous les outils à sa disposition pour évaluer l'étudiant (examens, peer reviews, temps de log, courbe de progression, sociabilité, gestion du temps et caetera), environ un candidat sur 4 sera retenu.
Le cursus est prévu pour durer en moyenne 3 ans, mais chacun avance à son rythme : certains parmi la promo 2013 ont déjà terminé. Il est totalement gratuit, exception faite de la sécurité sociale.
Deux ans de plus sont à prévoir pour ceux qui voudraient lancer leur start-up avec l'aide de l'école, un incubateur en quelque sorte.
L'idée de base ? Cesser de faire du par-coeur, et former des informaticiens à créer et innover plutôt que de ré-implémenter des solutions qui datent d'il y a 5, 10, 20 ans. Être capable par exemple d'arriver dans une boîte dont on ne connaît pas les langages utilisés ni les frameworks, et être 100% opérationnel en une semaine.
Apprendre à apprendre, simplement. (c'est pédant, mais paraphrasé)
Ensuite, il faut l'avouer, une des grandes forces de 42, et le terrain d'expertise avoué de Niel et consorts, c'est la communication.
Forcément, une école sortie de nul part, qui porte le nom d'un monument de la référence geek, qui passe les épisodes de Game of Thrones dès leur sortie dans ses amphis, dont le staff fait des combats de nerf gun pendant les exams, et qui a un jacuzzi ouvert aux élèves, c'est épique.
L'apparence de jeunisme révolutionnaire donnée à dessein fait rêver et masque les failles du système, pourtant bien présentes.
Parmi celles qui me frappent le plus dans l'instant, on note un manque de bases théoriques handicapant : innover, c'est bien, réinventer la roue à chaque fois, c'est du gâchis.
Je ne suis pas non plus fan du modernisme forcené, de cette vision de l'école 'prophétique' qui casse les codes, tous les codes. Il n'y a pas que du mauvais dans les anciennes méthodes, c'est dommage de tout rejeter en bloc pour la simple vélleité de se proclamer comme 'nouveau'.
D'un autre côté et d'un point de vue pratique, on s'en fout un peu, vu que les entreprises n'attendent que de mordre à l'hameçon. Les partenariats s'enchaînent, les élèves n'ont pas de mal à trouver des stages et il faut bien admettre que le battage médiatique et le nombre d'événements sont proprement hallucinants. Espérons que ça dure.
Pour expliquer la pédagogie interne plus en détail, le cursus est découpés en plein de projets, qui ont chacun un coefficient.
Chaque projet comporte un sujet, des spécifications, etc, un peu comme ce qui se faisait en entreprise avant la méthode agile ("toi, tu me développes un truc qui fait ça, ça et ça"). La correction est généralement effectuée à la fois par d'autres élèves de l'école sur un barême prédéfini (peer-correcting), ce qui occasionne une discussion sur l'algo et la manière de coder, et par la moulinette, une machine à correction automatique qui ne fait pas de quartier.
Un projet validé (dont la note finale est supérieure à 80%) donne des points d'expérience au prorata de son coefficient, et plus on a d'expérience plus on gagne de niveaux, comme dans un jeu vidéo.
Le niveau 7 donne accès à un premier stage de 4 à 6 mois (également rémunéré en XP), et le niveau 14 au second.
Le niveau 21 sanctionne la fin du cursus, et l'obtention de la certification 42.
Pour expliquer mon choix personnel, je trouve l'enseignement en fac très efficace, mais terriblement lent.
Je pense que le manque de bases théoriques à 42 est un risque trop important dans le domaine informatique, c'est pourquoi j'ai choisi de continuer la fac en parallèle de l'école ; prendre le meilleur des deux mondes en quelque sorte. C'est un coup de poker niveau gestion du temps, et l'avenir nous dira si ça a payé, mais en attendant on se marre bien.
Bilan global de 42 pour ma part ? Positif malgré tout, mais gardez l'esprit critique les enfants.